Tout le monde ou presque a un jour expérimenté l'apparition d'algues filamenteuses dans son aquarium, ne serait-ce que lors de la phase de démarrage. Ceux qui ont évité cette poussée dans le premier mois de vie de leur bac ont généralement utilisé des pierres vivantes parfaitement propres, un bon écumeur bien dimensionné, et une horde d'herbivores dès le départ (escargots, Bernards l'ermite, poissons,...)
Si, lors d'une phase de lancement, la croissance d'algues filamenteuses est prévisible, peu gênante (la bac est normalement vide d'animaux) et temporaire, ce phénomène prend une autre dimension lorsque le bac est peuplé de coraux, ou d'une manière générale, lorsque cette poussée n'est pas attendue ! L'amateur est alors soumis à l'obligation de comprendre les causes du mal, et de lutter contre, avant que les invertébrés ne soient envahis et tués. Nous ne traiterons ici que les problèmes associés aux algues filamenteuses. D'autres types d'algues néfastes sont traités dans un autre article sur ce serveur.
Les News Groups et autres forums électroniques d'Internet regorgent de questions à ce sujet, et l'amateur qui expérimente cette expérience pour la première fois est souvent au bord du découragement. C'est pourquoi il semble utile de regrouper ici quelques informations et conseils utiles pour comprendre et lutter contre ce fléau.
Types d'algues
Nous pouvons constater l'apparition de plusieurs types d'algues filamenteuses inopportunes : Bryopsis, Cladophora, Derbesia, Enteromorpha,... la liste est longue ! D'une manière générale, aux variations de besoins près, nous pouvons avancer avec une raisonnable assurance que toutes ces algues ont un besoin nutritionnel qui conditionne leur apparition et leur développement. Sans nourriture, point d'algue ! Aucune fatalité ne préside donc leur apparition, les causes étant dans la majorité des cas liés aux conditions et méthodes de maintenance.
Les causes
* L'Energie:
Les algues ont besoin de diverses sources d'énergie pour vivre et se développer :
* Les Nutriments, qui peuvent être classifiés en gros en différentes familles :
- Les Nitrates, bien connus, qui varient entre 0 et 150 ppm (!) en fonction des bacs. Avec une population normale, un taux de nitrates supérieur à 10 ppm dénote généralement un défaut dans la maintenance ou dans la conception du système. Les Systèmes de filtration traditionnels (filtres semi-humides, siporax, mousses, bio-balles, filtres externes,...) fournissent d'excellent supports pour les bactéries nitrifiantes, mais ne permettent pas la dénitratation par manque de zone anaérobies (sans oxygène). Comme les bac 'traditionnels' sont généralement mal équipés en écumeur (ie pas du tout ou avec un mauvais appareil), les matières organiques restent dans l'eau et génèrent nitrites et nitrates irrémédiablement. De même, comme la filtration 'traditionnelle' est censée fonctionner sans rien d'autre, il y a généralement peu de pierres vivantes et souvent même peu de pierres poreuses tout court, qui permettent pourtant la dénitratation en offrant des zones pauvres en oxygène en leur coeur. Une surpopulation et/ou un nourrissage trop généreux entraînent aussi des excès de nitrates. Pour autant, le temps est révolu où l'on disait qu'il fallait peu nourrir ses poissons : avec un bac correctement conçu, même de grosses quantités de nourriture quotidiennes disparaissent sans laisser de trace... Autre source potentielle de nitrates : l'eau du robinet. L'Aquarium récifal est un milieu fragile et sensible, et utiliser une eau à la composition douteuse et fluctuante est un risque assez peu raisonnable... Pourquoi ne pas acheter un Osmoseur ? Il est rapidement rentabilisé !
- Les Phosphates, méconnus et peu surveillés, mais qui créent souvent des problèmes dès que le taux dépasse 0,05 ppm (!!). Des Tests comme ceux de Sera, Aquarium Systems ou Seachem (pour les amateurs de lectures fines) vous permettront une lecture acceptable de vos phosphates inorganiques (Il est très difficile de tester les phosphates organiques). Le phosphate de nos bacs provient généralement : des charbons actifs (jusqu'à 2 ppm), des nourritures vivantes (2 ppm), des nourritures en paillettes ou congelées, de la dissolution du substrat calcaire dans le réacteur à calcaire,... et son accumulation finit tôt ou tard par créer un problème au moins aussi désagréable que les algues filamenteuses... Un produit comme l'oxyde d'aluminium vous aidera à vous en débarrasser (1 g pour 2 litres, dans une chaussette pendant 2 semaines. A rincer dans un peu d'eau de mer du bac avant de l'y placer. Ne pas abuser et être patient ! Recommencer autant que nécessaire)
- Les composés organiques dissous (DOC en anglais), qui n'ont pas encore été traités par les bactéries et décomposés en nitrates. Ces composés organiques (protéines,...) sont directement issus de l'activité métabolique des animaux (poissons, coraux,...), et, s'ils ne sont pas extraits de l'eau par un bon écumeur, sont dégradés en nitrates. Limiter ce facteur permet donc de limiter le développement des filamenteuses...
- Les silicates. La silice peut entraîner l'apparitions d'algues néfastes. La silice provient souvent de certains sables de rivière. Préférer du sable de corail !
- le CO2, qui aide la photosynthèse et est donc un aliment de choix pour les algues. Un réacteur à calcaire mal réglé peut engendrer ou du moins faciliter l'apparition et la propagation des algues filamenteuses, surtout si d'autres sources de nutriments sont disponibles !
- Les additifs nutritifs, tels les oligo-éléments et autres éléments sous forme de traces. Si ces produits sont généralement d'un usage intéressant, en cas de problème d'algues filamenteuse, le plus sage est de les affamer, et donc de se limiter à l'iode, au strontium et au calcium. En cas de problème, si vous utilisez un sel trop riche, repassez par exemple à l'Instant Ocean et à l'eau osmosée. Si vous utilisez de l'eau de mer naturelle, assurez vous qu'elle est vraiment pure...
* La Lumière
Le spectre lumineux des lampes que nous utilisons est connu pour favoriser ou non la croissance des algues. Même une lampe prévu pour l'aquarium récifal voit son spectre évoluer avec l'âge : les lampes (HQI, Tubes) sont donc à changer tous les ans !
* Le manque d'herbivores
Il est prouvé que même sur un récif parfaitement sain, si on chasse les herbivores d'un certain périmètre et que l'on couvre ce périmètre d'un grillage de protection, les algues filamenteuses ne tardent pas à envahir la zone protégée. La présence des bonnes espèces de chirurgiens, Blennies, escargots, Bernards l'ermite est donc d'une aide précieuse. Bien entendu, la population doit respecter les limites de la surpopulation, sinon la pollution engendrée par leur activité biologique accélère la prolifération des algues !! Tout est affaire de proportion !
Pour fixer les idées, on peut sans problème héberger :
- un chirurgien de petite taille (<12 cm) par tranche de 200 litres
- 1 blennie par tranche de 400 litres minimum (régime généralement exclusivement herbivore et brouteur, donc dans un plus petit volume les pertes sont généralement constatées tôt ou tard, par manque de micro algues).
- 10 Bernards l'ermite par tranche de 100 litres
- 5 escargots par tranche de 100 litres
Analyser son problème et y remédier
L'amateur, quel que soit sont niveau de connaissance et d'expérience, est toujours déprimé devant une invasion d'algues filamenteuses ! Seule une gestion minutieuse et mesurée peut laisser espérer que ce problème sera évité, mais nul ne peut prétendre que le risque est nul !
La recherche et la définition des causes d'un problème, que cela celui là ou un autre, est souvent facilité considérablement par la gestion régulière d'un cahier de notes. Avec le recul, vous pourrez constater des tendances au fil des jours, et ainsi remonter le temps jusqu'à une ou plusieurs causes potentielles.
Dans tous les cas, l'étude de tous les facteurs potentiels (voir la page 'Galères' !) en liaison avec une connaissance la plus approfondie possible des causes habituelles d'un problème, permet de s'en sortir.
Vous saurez que vous êtes sur le bon chemin dans votre bataille contre les Filamenteuses lorsque :
- elles n'envahissent plus de nouveaux territoires
- elles poussent en longueur alors qu'avant elles étaient courtes et envahissantes
- leur couleur devient plus sombre, ce qui indique une vitesse de croissance plus lente
- elles se laissent décrocher, et souvent par touffes complètes avec la base.
Quoi qu'il en soit, ne baissez pas les bras, et luttez pour diminuer les nutriments d'un coté et contenir l'envahissement de l'autre, en arrachent, siphonnant (utilisez un filtre externe plein de ouate, c'est très utile !) et en brossant vos pierres ! Ne laissez pas les algues se nicher dans les coraux : il est souvent impossible de les en enlever par la suite, et elles gagnent souvent cette bataille ! Une pince à épiler est parfois une arme utile, mais si vous êtes un homme, vous risquez d'avoir des problèmes avec votre femme si elle vous voit trifouiller dans votre bac avec SA pince à épiler (c'est du vécu !) ;-))
source Fabrice POIRAUD-LAMBERT